vendredi 25 novembre 2011

James Pradier

Je viens de recevoir le livre « statues de chair », qui présente l’œuvre de James Pradier dont je vous parlais à l’occasion de ma recherche sur les « trois Grâces ». En 1986 a eu lieu une rétrospective simultanée à Genève, (ville de naissance en 1790) ; et Paris (où Pradier a connu la gloire et est mort en 1852). Le catalogue publié à cette occasion présente la (presque) totalité des œuvres de ce grand sculpteur.


La vie de Pradier est passionnante car marquée par la rencontre de grands hommes, (et femmes) :  il a d’abord comme maitresse (la célèbre) Juliette Drouet, qui sert de modèle à « la ville de Strasbourg », l’une des huit statues entourant la place de la Concorde. Pradier la pousse à devenir comédienne, fatale initiative ! C'est en 1833, alors qu'elle interprète le rôle de la princesse Négroni dans Lucrèce Borgia qu'elle rencontre Victor Hugo. Coup de foudre réciproque. Elle abandonne sa carrière, Victor (se méfiant d’un futur séducteur),  lui demandant de vivre cloîtrée chez elle et de ne sortir qu'en sa compagnie !


Evidemment Pradier est partagé entre la tristesse d’avoir perdu Juliette, et son admiration pour le grand écrivain, capable à l’occasion de dire des choses utiles pour sa carrière ! Tellement généreux qu’il élève la fille de Juliette et James, Claire, qui meurt à vingt ans. C’est Victor Hugo qui mène le cortège funèbre ! Très envahissant le Victor ! Pradier déprimerait, s’il ne séduisait pas Louise Darcet, jeune femme de 19 ans. Il l’épouse, et lui fait alors trois enfants : Charlotte, John et Thérèse. Flaubert dans sa correspondance, évoquera l’enfance des deux filles à la maison d’éducation de la Légion d’Honneur à Saint Denis. Mais…Louise devient la maitresse d’Alexandre Dumas (fils) qui parle d’elle comme « la belle aux cheveux d’or », incapable par ailleurs de résister aux avances des représentants du sexe masculin. Après un constat d’adultère, Pradier obtient le jugement de séparation avec Louise, en janvier 1845. La vie de Louise sera racontée par sa confidente Louise-Françoise Boyé, dans les célèbres Mémoires de Madame Ludovica dont Flaubert s’inspire pour la rédaction de Madame Bovary.


S’il est admiré pour ses talents reconnus, appelé Phidias par l’entourage de Flaubert et qualifié par Théophile Gautier de « dernier des grecs », il est aussi critiqué, notamment par la presse et par Baudelaire. Les jugements sur la sculpture sont exigeants à l’époque : l’influence classique reste forte ; l’allusion à la mythologie aussi, et les arts se doivent d’exalter les passions humaines, mettre en valeur les vertus, glorifier le nu, en ravissant l’opinion sans toutefois la choquer...exercice difficile et toujours controversé ! Il est bien vu évidemment de flatter le Prince et de faire de lui des effigies flatteuses. Finis les classiques : il faut devenir romantique.





















Les spécialistes (comme Monique Bourguet-Vic dont je salue le blog) mettent en avant deux facettes importantes dans son œuvre :

l'Instruction publique, avant qu'elle devienne "Education Nationale"
-en 1830 des commandes publiques prestigieuses comme le décor de l’Arc de Triomphe du Carrousel et le tombeau de Napoléon, sans omettre la tribune de l’Assemblée Nationale flanquée de l’Ordre Public et La Liberté. L’instruction publique orne le fronton de la chambre des députés. Attiré par le midi, Pradier y produit de nombreux chefs d’œuvre : à Nîmes la fontaine de l’esplanade où le Rhône côtoie le Gardon. Et Nemausa (l’urbaine), Ura (la rustique). A Aigues Mortes, il place un Saint-Louis de 2,6 mètres au milieu de place centrale de la ville fortifiée. Cassandre à Avignon… Je ne parle pas des nombreuses œuvres religieuses, beaucoup plus vêtues que les statues qui suivent !








































-pour les commandes privées, les productions sont plus gracieuses, mettant en valeur  le corps de la femme, ce sont les « statues de chair », expression de Théophile Gauthier. L’apparence est bien « grecque », comme l’exige l’époque. Mais par le réalisme des figures, Pradier innove :  « respect scrupuleux de la vérité de la forme »,  « chaleur d’exécution » et même figures « jolies et désirables », sont les épithètes des critiques.























au Musée des Augustins, Zéphir vient de s'unir (charnellement) à Chloris, encore toute...pantelante


Atalante au si joli nom de papillon

une jeune Nymphe venant d'attraper un lapin, enfin sortie des réserves du Louvre

























Voyez Nyssia, à Montpellier...
quelle chevelure...!

rien qu'à voir Sapho, on reconnait le musée d'Orsay


Le nu érotique de Pradier
 inspiré des statues antiques de la villa Ludovici à Rome

 apparaît, et plait déjà…

…cela dure depuis 166 ans !