samedi 24 décembre 2011

Charder comme un conte de Noël

Nous habitons Rennes, 1, rue de Montfort. Il faudra qu’un jour je retrouve les photos de ce qui a été sans doute notre plus chic appartement ! Nous allons facilement à Paris, et le samedi 2 mars 1996, je tombe sur ce bouquin, acheté 400 Francs, (oui on parle en Francs à cette époque). Je l’achète car le prix courant est de 480 F. On dirait aujourd’hui 70 Euros. Je craque car la littérature commence à parler de notre passion, faisant envoler les prix déjà élevés ! Le lendemain, nous filons à Clignancourt : une promenade traditionnelle pour nous aux Puces le dimanche. A cette époque, nous collectionnons les verreries du Verre Français depuis un certain temps, et il nous en manque toujours. Nous en avons chiné auparavant à Avignon ; Nîmes ;  Amsterdam ; et, miracle, la grand-mère d’Anne nous en a légué un. Nous avons pris cela comme un encouragement. Nous en avons déjà trouvé au marché Biron, une forme étonnante : un espèce d’OVNI, juché sur pattes, en forme de Yoyo, et j’ai du parlementer des heures avec le proprio arabe pour l’acheter (heureusement qu’il en avait deux car il ne voulait pas s’en séparer) ! Des années auparavant, nous avions acheté à Toulouse un pied de lampe, dont la coupelle avait disparu, cassée sans aucun doute. Le verre est fragile, et les créations de Charles Schneider (dit Charder) étant conçues à l’époque en multicouches, cuisaient et recuisaient, et craignaient tout choc, dont tout choc thermique. Ce qui arrive quand on introduit une petite ampoule de machine à coudre dans un vase pour le faire s’allumer, et qu’il se produit un contact chaud sur le verre. Il arrive qu’un fêle imperceptible apparaisse tout à coup, dévalorisant irrémédiablement la pièce !

Nous sommes le lendemain, dimanche 3 mars 1996. Je le sais car j’ai écrit cette histoire qui ressemble à un conte dans les premières pages du bouquin pour en conserver le souvenir. Nous commençons le long périple des boutiques de verreries françaises (avec en tête Gallé et Daum naturellement ; mais aussi Delatte, Noverdy, sans oublier Müller) en allant directement à Biron où les boutiques sont plus nombreuses. Ce n’est pas là que l’on fait des affaires, en tombant par hasard sur l’objet de ses rêves que l’on ne cherchait pas, mais c’est là qu’on a la plus grande chance de voir rassemblées les pièces chinées en province, puis rachetées dix fois par les antiquaires parisiens dans une sorte de sélection naturelle qui trie les pièces les plus rares.  Trois boutiques après l’entrée, à droite, la vitrine arbore une jolie Müller. Il s’agit d’Art Nouveau Olive, 85 rue des Rosiers, 94000 Saint-Ouen, Stand 11 (j’ai conservé la carte). Téléphone 44780237. On voit que les numéros de téléphones ont aussi changé ! L’intérieur est plein de pieds et ferrailles dépareillés. Il faut noter que la ferronnerie est capitale dans les lampes en verre : les plus célèbres sont celles de Brandt, mais d’obscurs artisans martelaient à l’époque le fer en lui imprimant des marques typiques. Je vous ai déjà montré les feuilles terminant les supports des coupelles imitant par exemple les feuilles de Ginkgo. Chez Schneider, il y a généralement 3 folioles à l’extrémité du support. Les pieds des veilleuses sont souvent les feuilles du chardon de Lorraine. Tout est martelé et riveté, jamais soudé. Je dis cela pour les affreuses copies d’aujourd’hui.











Mu par une intuition irrésistible, je vais au fond. Dans une vitrine vide, à plat, le dôme aux cardamines m’attendait ! Olive le vendeur était persuadé qu’on nous avait envoyés chez lui exprès ! Car vu le nombre des dessins employés par Schneider, l’originalité d’une collection était pour nous de rassembler le maximum de formes diverses, suspensions, vases, veilleuses, brûle-parfums, le must étant évidemment les lampes. Car justement faites pour être éclairées. Avec un seul motif : l’instinct nous avait conduit au décor aux cardamines ! Drôle de nom d’ailleurs avec ces petites fleurs stylisées d’un rouge vif découpées en 5 pétales ; et ces tiges grêles provenant au pied d’un fouillis d’herbe marron. Mais la magie du fond jaune donne au verre éclairé un éclat magique. A midi, j’achète. A dix neuf heures de retour à Rennes, j’enlève le vieux haut en soie rose, et pose la coupelle d’origine. Vingt six ans après, la lampe retrouve son intégrité… et son prix, 22.000 Francs de l’époque. Dans un lapsus révélateur, j’ai oublié le prix de la coupelle…mais j’ai bien peur de l’avoir payée la moitié. Une fortune ! Aujourd’hui 1.500 Euros n’apparaissent plus comme une somme si extraordinaire…

devant une veilleuse ; l'OVNI est à droite

La même vaut aujourd’hui 7.000 Euros. Ce qui explique que quand on a des économies, on peut les placer dans les antiquités d’art. On peut aussi revendre, quand on a besoin d’argent.

C’est ce qui nous est arrivés à Lyon, quand nous réhabilitions la ferme du Gers. Nous avons revendu les neuf pièces rassemblées pendant des années à une antiquaire spécialisée dans Schneider. Venue avec son mari dans le studio ; détaillant chaque pièce, refusant deux vases fêlés que nous avons Dieu soit loué toujours, et prenant la lampe intacte avec le reste. En échange de pas mal de billets il faut dire.  On a du les rendre pour quelques tonnes d’enduits et de parquet, mais ceci est une autre histoire ! Mais on a prévenu le risque de fêles. Et pire le vol, deux risques qui nous préoccupaient énormément.

des années pour arriver à neuf !

Il en reste ces tirages papiers, re-photographiés en numérique !

Même lors de la nuit des lumières à Lyon

On ne fait pas si beau… !