Selon Démocrite, il existe deux formes de connaissance : la connaissance par les sens, qu’il critique et appelle bâtarde et obscure, et la connaissance par l’intellect, qu’il appelle légitime et véritable. C’est la raison qui est le critère de la connaissance légitime. On comprend où Descartes a puisé sa théorie !
Toutes nos sensations sont des conventions, des impressions déterminées par nos opinions et nos affections. Sont donc vrais et intelligibles les seuls éléments dont est composée toute la nature, les atomes et le vide, ce qui n’est pas sensible. La position, la forme et l’ordre ne sont alors que des accidents.
Il faut ajouter plusieurs considérations sur nos capacités de connaître au moyen des sens : nous n’avons pas connaissance de toutes nos sensations : un grand nombre reste inaperçu. Les impressions sensibles varient selon les animaux, d’un individu à un autre, et même pour un seul individu. Mais, dans ce cas, il est impossible de savoir quelles impressions sont vraies ; toutes sont également vraies : la vérité et l’apparence sont identiques : tout ce qui apparaît à un individu et qui lui semble exister est vrai.
Démocrite en conclut que soit la vérité n’existe pas, soit elle nous est cachée.
« Nous ne connaissons en réalité rien de certain, mais seulement ce qui change selon la disposition de notre corps, et selon ce qui pénètre en lui ou ce qui lui résiste… en réalité nous ne savons pas ce que chaque chose est ou n’est pas… Il est impossible de connaître la nature réelle de chaque chose. »
« En réalité, nous ne savons rien, car la vérité est au fond du puits. »
… là où personne n’ose aller…
« la Vérité s’extirpe de l’obscurité comme le charbon de la mine »
En vain tu tache à faire remonter
La verité au fond du puys cachée:
Force luy fut d’avec nous s’absenter
Etant ainsi par les hommes faschée.
P. Cousteau, Le Pegme, « Au puis, ou disoit Democritus verité étre cachée », Lyon, Macé Bonhome,
Le miroir de la vérité nous est expliqué par Florian :
Dans le beau siecle d' or, quand les premiers humains,
au milieu d' une paix profonde,
couloient des jours purs et sereins,
la vérité couroit le monde
avec son miroir dans les mains.
Chacun s' y regardoit, et le miroir sincere
retraçoit à chacun son plus secret desir
sans jamais le faire rougir ;
temps heureux, qui ne dura guere !
L' homme devint bientôt méchant et criminel.
La vérité s' enfuit au ciel,
en jetant de dépit son miroir sur la terre.
Le pauvre miroir se cassa.
Ses débris qu' au hasard la chûte dispersa
furent perdus pour le vulgaire.
Plusieurs siecles après on en connut le prix :
et c' est depuis ce temps que l' on voit plus d' un sage
chercher avec soin ces débris,
les retrouver par fois ; mais ils sont si petits,
que personne n' en fait usage.
Hélas ! Le sage le premier
ne s' y voit jamais tout entier.
Edouard Debat-Ponsan la représente au fonds du puits, habillée de son seul miroir.
Et quand Jean-Léon Gerome fait surgir
Ah Vérité, tu ne peux être que nue, pour nous montrer la lumière !
Jean-Joseph Levèvre
Pire, tu peux être « méconnue, ton miroir brisé »
Les anglais disent : the truth revealed…the broken mirror…la cruelle prise de conscience de l’antisémitisme français pendant l’affaire Dreyfus…
C’est plutôt comme cela que te voit Aimé-Jules Dalou…
Sans illusions…